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Voie B, le TGV Air France est attendu au départ

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Les faits sont incontestables : notre climat se détraque et les yeux se braquent de plus en plus vers les traînées blanches dans le ciel.

Les habitués des weekends à Prague ou des vacances à Bali se réfugient souvent derrière cet argument particulièrement efficace : “l’avion c’est seulement 1% de notre impact sur le climat”. Convaincant… mais faux ! Le bon chiffre, pour la France, se situe plutôt entre 6 et 10%.

Un petit dixième de notre impact sur le climat, n’est-ce pas un prix acceptable pour continuer de tisser les liens entre les peuples du monde, s’évader de notre dur labeur urbain ou supporter le triste hiver français ?

Peut-être, mais si l’aviation reste sous les 10% des gaz à effet de serre, c’est bien parce que seule une minorité prend l’avion.

En Angleterre, 70% des vols sont effectués par 15% de la population.

Aller flâner dans le Central Park entre une visite du MoMA et une soirée rooftop, c’est consommer d’un coup le crédit carbone annuel qui nous permettrait de rester en-dessous d’un réchauffement de 1.5°C.

Simuler l'impact sur le climat d'un vol d'avion

Du fait scientifique au choc économique

Ces chiffres évidemment, ne semblent pas avoir mis à terre les grandes compagnies aériennes… Pour l’instant en Europe, même si la croissance du traffic aérien ralentit, le nombre de vols augmente toujours. Jusqu’à quand ?

L’année 2019 a fait naître le Flygskam, la honte de prendre l’avion, avihonte en français. L’année où des députés français ont proposé deux amendements visant à interdire une partie du trafic aérien intérieur au pays. L’année où une jeune fille a provoqué une tempête médiatique juste parce qu’elle a rejoint New-York en bateau plutôt qu’en avion. Suivie d’une hausse significative de la taxation des vols en Allemagne, doublée d’une baisse de la TVA sur le train.

En Suède, ce mouvement de prise de conscience a déjà amputé 10% du trafic intérieur. En France, cette tendance n’est pas encore là, mais on commence à hésiter à raconter aux collègues ses vacances à l’autre bout du monde. On trouve de plus en plus de cadres urbains qui renoncent à l’avion jusqu’à nouvel ordre. Les diplômés des grandes écoles d’ingénieur se réveillent. Au sein de notre chère compagnie aérienne tricolore, on se demande combien de temps on tiendra les “Je travaille chez AirFrance. Oui, ça pollue c’est vrai”.

Bruler régulièrement 1l d’essence pour aller travailler restera sans doute plus discret et acceptable que 130l de kérosène d'un coup pour aller de divertir.

Quelle sera la stratégie d’AirFrance ?

Félicitations, vous venez d’être nommé directeur d’une grande compagnie aérienne européenne. Vous dirigez un groupe industriel de 30 milliards d’euros de chiffre d’affaire.

Votre activité est pointée du doigt comme une des plus dommageables pour le climat, selon des scientifiques unanimes qui commencent malheureusement à trop se faire entendre, au point d’en faire la une des journaux nationaux.

Vos clients risquent à tout moment de déchanter. Les clients insensibles aux arguments moraux seront de toute façon freinés par une vague de taxes ou de subvention des alternatives propres, votées par l'autre moitié de la population.

Vos ingénieurs et cadres supérieurs s’inquiètent de leur image sociale. De plus en plus conscients que notre société va dans le mur, ils ont du mal à être du côté de ceux qui perfectionnent le moteur. Et puis avec ou sans ces ingénieurs, vous savez qu’il n’y a aucune chance qu’une quelconque avancée technologique permette à des avions “propres” de voler dans un futur proche.

Vous pourriez prendre un peu de recul et réaliser que votre métier, c’est simplement de déplacer des gens rapidement sur de grandes distances. Après tout, vos amis chez Total ont bien compris que les renouvelables, c’est aussi de l’énergie en plus d’être un beau rideau vert. Vous avez surement comme eux entendu l’alerte de l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA): on risque un pic pétrolier d’ici 2025, et tout dépend de la croissance du schiste américain dont l’extraction est encore plus sale que le pétrole conventionnel.

On vous glisse à l’oreille qu’il existe justement une technologie complètement maîtrisée qui permet de déplacer des clients, soit à 350 km/h, soit lentement la nuit en leur permettant d’économiser une nuit d’hôtel. Certes, rien d’intéressant pour les longs courriers, mais largement suffisant pour le petit continent européen.

Longtemps réservé au monopole de la compagnie nationale, ce marché est en train de s’ouvrir à tout acteur économique. Mais quelle est la taille de ce marché ? Selon l’IEA, qui parle du TGV sur sa page Aviation, les trains pourraient concurrencer 17% des vols commerciaux actuels. Sans compter les trains de nuit.

Flixbus, qui ne fait qu’un trentième de votre chiffre d’affaires, se lance.

Vous savez pertinement que le 10ème aéroport mondial, Paris-Charles-de-Gaulle, ne transporte que 70 millions de passagers, pas plus qu’une seule ligne de train à haute vitesse, Paris-Lyon ! Certes, cette ligne est presque saturée, et construire une LGV c’est coûteux… mais n’oublions pas qu’une fois construite, les trains rentabilisent la ligne pendant 100 ans en émettant très peu de CO2.

Vous savez mieux que tout le monde la démesure des infrastructures aéroportuaires : CDG fait 32km2, trois fois plus que l’emprise au sol de la LGV Paris-Lyon.

CDG : 32 km² (69 Mpax/an). ORY : 15 km² (31 Mpax/an). LBG : 5,5 km². BVA : 2,4 km² (3,8 Mpax/an). Total : 55 km². Dimensions de Paris : 85 km² à l’intérieur du périf (105 avec périph et bois).

En octobre 2019, la SNCF vous attaque avec de nouvelles campagnes de pub.

Eurostar est détenu à 55% par la SNCF Eurostar est détenu à 55% par la SNCF

Pire : cette dernière lance son projet GreenSpeed qui fusionnera Thalys et Eurostar pour concurrencer l’avion au niveau européen.

Lancer une compagnie aérienne est devenu un non-sens au point que des journaux font du lancement de OuiFly un poisson d’avril.

Aujourd’hui, dans la panique, vous ripostez avec des messages qui ne dupent plus personne :

Titrer “Roissy-Mérignac en 1h15” aurait été un peu plus honnête. Titrer “Roissy-Mérignac en 1h15” aurait été un peu plus honnête.

Demain, serez-vous la première compagnie aérienne à entrer en gare ?

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