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Éloge de la décroissance individuelle

publié le , mis à jour

Écoutez-vous la radio le matin ou suivez-vous même de loin les débats sur le sujet du climat ? Alors vous avez sûrement déjà entendu une idée à la mode en ce moment : il y aurait d'un côté les efforts individuels, et de l'autre les efforts collectifs.

En particulier, les efforts individuels seraient quantifiés, et très limités. À en croire Gaël Giraud, l'un des intellectuels les plus influents de France, cité par Hervé Gardette, l'un des journalistes de l'environnement les plus influents de France, « à l’échelle individuelle, beaucoup d’entre nous éprouvent une impuissance tragique. En France, l’austérité la plus rigoureuse permettrait à un individu seul d’économiser au mieux 30% de ses émissions de gaz à effet de serre. Les 70% restants relèvent de décisions qui engagent les grands collectifs et le politique» Autre exemple, à la minute 21 de cette émission France Inter, on entend Natacha Polony, l'une des journaliste les plus influentes en France, dire : « Des personnes qui bouleverseraient leur mode de vie pour pratiquer toutes les règles de l'écologie pure ne réduiraient que de 25 % leur empreinte carbone ».

Alors, quel est le problème dans ces deux citations ? Il y en a en fait deux : d'une, ces citations sont des infox, propagées par des gens très écoutés. De deux, l'étude sur laquelle se basent ces influenceurs est critiquable, et la thèse elle-même qui sous-tend l'étude est sans fondements : c'est l'objet principal de cet article.

Diffusion d'une infox bien arrangeante

Que dit l'étude publiée en juin 2019, et son résumé, précisément ? Elle expose deux scénarios de changement de vie d'un individu.

L'un ferait des efforts qu'on peut attendre d'une personne engagée mais pas trop. L'étude chiffre ces efforts "modérés" à 25% de l'empreinte climat d'un français moyen, de 10 tonnes de CO2e environ, soit un effort d'un quart du total.

Pour rappel, cette empreinte moyenne, c'est simplement le rapport de l'empreinte totale de la France divisé par la population de 67 millions. Ou compté différemment, mais avec le même résultat, c'est l'empreinte de la totalité des achats d'un Français dans l'année. C'est une comptabilité de consommation, et d'autres comptabilités sont possibles mais peu répandues aujourd'hui.

L'autre suppose un engagement maximal, "héroïque", qui conduit selon les auteurs à une réduction de 45% de l'empreinte, donc environ la moitié.

Il est donc évident à ce stade que Polony et Giraud et les milliers de gens qui ont propagé cette infox se trompent doublement : en plus de confondre les deux scénarios (associer "austérité la plus rigoureuse" ou "pratiquer les règles de l'écologie pure" aux résultats du scénario 1 dit "engagement modéré"), ils érigent au rang de modèle d'engagement maximal le scénario dit "héroïque" que Carbone 4 a arbitrairement construit dans une feuille Excel.

Peut-on en vouloir à Giraud, Polony & co ? Je pense que oui. D'abord parce que relayer des infox qui ne sont pas des détails, et ne pas corriger leur publication dans des médias de premier plan, une fois mis au courant de l'erreur, relève de l'absence de rigueur inquiétante.

Mais aussi parce que cette infox a des conséquences importantes sur le débat public, que j'ai personnellement constaté à plusieurs reprises, et qui est simple à comprendre. Si l'effort maximal que l'on peut avoir de son propre gré pour réduire son empreinte climat n'aboutit qu'à 30% petits pourcents de l'effort à atteindre, pourquoi se priver de ses prochaines vacances à Ushuaïa, réduire son utilisation de la voiture, isoler son logement ou manger moins de viande ? Tout ça pour ça ?

Évidemment, un citoyen rationnel et bien informé jugerait qu'un tiers d'un problème qui met en risque la survie de nos sociétés avancées et la paix dans le monde, c'est déjà beaucoup ! En particulier étant donné que la mitigation du réchauffement climatique (c'est ainsi qu'on appelle le fait d'émettre moins de gaz à effet de serre) n'est pas un "tout ou rien" : chaque degré compte, comme chaque demi-degré, et idem pour un dixième de degré... Plus on baisse nos émissions, moins les dégâts seront importants et ceci de façon non linéaire. Ça vous dit quelque chose ? Notre fièvre 🤒. Chaque degré compte, et à partir de 40°, chaque dixième doit nous affoler, au point d'arrêter toute activité courante et foncer aux urgences. Mais nous sommes incontestablement tous sujets à des réactions affectives dans ce genre de situation, particulièrement quand il s'agit de changer nos modes de vie dans une société qui donne à l'individu par rapport au collectif un rôle rarement atteint dans l'histoire.

Dîtes à quelqu'un que même s'il abandonne sa voiture, il ne pourra pas faire plus de 30% du chemin. Regardez sa réaction. Dites lui maintenant que vous vous êtes trompés, que le potentiel est à 80% du chemin. Observez sa réaction.

Nous pourrions en rester là, sur ce constat que les infox sont diffusées massivement par des journalistes ou personnalités qui pourtant recueillent un karma très élevé parmi la communauté écolo-sociale. Sur l'amer ressenti que peut-être ce faux chiffre n'était pas une erreur de citation, mais un détournement volontaire ou inconscient pour servir une conception du monde que l'on pourrait caricaturer ainsi : Total méchant émetteur de presque tout le CO2, citoyen gentil écrasé par multinationale.

Nous pourrions aussi aller plus loin et chercher la source de cette erreur dans l'inconvenient rythme de vie des "stars de l'écologie", d'Al Gore et ses villas démesurées, à Hulot et son parc automobile thermique à faire saliver Pierre Chasseray. Je ne connais pas la vie de Gaël Giraud ni de Natacha Polony, mais force est de constater que nous sommes humains, nous tentons en général tous de justifier nos styles de vie, et si notre style de vie dépasse allègrement les limites de la planète ramenées à 7 milliards d'individus, comme l'égalité sociale le voudrait, alors il est très probable que la proposition "même avec l'effort maximal, je ne réduirais mon empreinte que de 30%" ait la bonne idée de s'arranger avec nos actes. Mais n'allons pas plus loin, au risque de tomber dans le registre des hypothèses non étayées.

Alors parlons des faits, déroulons maintenant l'étude en question.

L'étude "Faire sa part"

L'étude n'a rien de manifestement faux, mais elle est non reproductible. Le principe de base de toute étude scientifique, et ce qui fait progressivement ce qu'on appelle "la science", c'est de présenter des résultats qui peuvent être reproduits par une autre équipe qui s'y mettrait, sans y passer autant de temps que les auteurs.

L'étude "Faire sa part" ne l'est pas. En d'autres termes, le modèle de calcul utilisé, probablement un tableur Excel, réside de façon privée sur l'un des ordinateurs ou serveurs la société qui l'a produite.

Soyons précis : l'engagement "héroïque" suppose que le héros "Remplace les trajets voiture courte distance en milieu urbain par du vélo". Sur la base de quelles donnés ? En note, on lit "une distribution Compte des transports et Enquête Nationale Transports et Déplacements (ENTD)".

Quelle est la limite d'un trajet "court distance", la définition de "milieu urbain" ? Impossible de reproduire les résultats. Il en est de même pour bien d'autres paramètres fondamentaux de l'étude.

Peut-on vraiment reprocher à Carbone 4, une société qui vend du conseil aux organisations pour réduire leur empreinte climat, de ne pas publier un papier scientifique de qualité (donc reproductible, et si possible avec le code exécutable et documenté) et d'avoir en guise de conclusion de la synthèse de l'étude un appel direct aux entreprise à devenir leur clientes ? Assurément non. Ils font ce qu'ils veulent et ont déjà le mérite d'avoir publié cette étude, passé des dizaines d'heures à la réaliser et donné un minimum d'hypothèses et sources sur les calculs (page 8 en notes de bas de page).

Après tout, plutôt que d'écrire cet article j'aurais pu lancer mon tableur plutôt que mon bloc notes et tenter de reproduire la même étude, mise à jour, peut-être même avec de nouveaux scénarios, en publiant le modèle de calcul.

Peut-on cependant critiquer l'éditorialisation de cette étude par Carbone 4 ? Je pense que oui. La reprise sauvage de ses résultats tournés en infox décrites plus haut permet de se rendre compte à quel point la presse française doit être considérée comme dangereuse pour le débat public. On le sait tous. En particulier, on peut reprocher aux auteurs d'avoir choisi le terme "héroïque" (et on notera leur utilisation des guillemets), complètement subjectif, superlatif de nos sociétés bercées par les histoires de super-héros, qui a mené logiquement aux dérapages "l'écologie la plus pure" et autres "l'austérité la plus rigoureuse" par les pros de la punchline pétée.

On peut aussi reprocher aux auteurs de n'avoir pas publié d'avertissement sur la page de l'étude à propos des reprises incorrectes de la presse qui modifient lourdement le sens de l'étude.

Mais laissons de côté ces histoires de chiffres inexacts et de termes conçus pour les clics. L'hypothèse centrale de l'étude mérite bien plus d'attention : l'engagement individuel serait dissociable de l'engagement collectif, et de même pour les réductions d'empreinte qui en découlent.

Séparer l'inséparable

En d'autres termes, l'étude et à ma connaissance ceux qui insistent sur la limite de l'effort individuel, postulent une non-porosité stricte des décisions propres à la vie d'une citoyen avec celles réservées aux collectivités, souvent simplifiées en "l'État".

Mais qui sont-elles ces collectivités au fait ? Seulement l'État, ou l'assemblée nationale, le sénat, les conseils régionaux, départementaux, les métropoles, les mairies ? Pourquoi pas les entreprises, les associations, et les équipes de collègues qui s'y constituent ? Et les copros de 200 personnes, celles de 10 voisins ? La famille est-elle une collectivité ? Mes multiples personnalités en sont-elles une autre 😁 ?

Cette construction de pensée "collectivité", ou encore "système socio-technique" dans l'étude, ne pourrait donc bien n'être qu'une illusion, une facilité d'esprit. Illustrons cela, bienvenue dans ma petite vie.

De la pensée de douche à l'action collective

Je loge dans une copro de 200 personnes, locataire d'un logement chauffé au gaz, sans accès au thermostat qui me permettrait de passer mes hivers à moins de 24° fenêtre ouverte (qui s'est dit un jour que c'était une bonne idée 😠). Il est donc évident que c'est là une limite à mon engagement individuel, contrairement à mon régime alimentaire que je peux changer à loisir si tant est que je motive à le faire.

Merde ! Le gaz rentrera donc dans la catégorie des 60% d'efforts hors d'atteinte pour le "héros" du climat que j'aspire progressivement à devenir.

Comment vous pouvez le constater, ma copro déborde d'une solidarité contagieuse...

Seulement voilà : il y a plusieurs années, j'ai comme beaucoup de gens calculé mon empreinte sur des simulateurs en ligne, le meilleur aujourd'hui étant bien sûr Nos Gestes Climat.

Note importante : je développe ce calculateur dans l'équipe Datagir depuis bientôt un an. Vous comprenez à ce stade que j'ai un parti pris aussi important que celui de Carbone 4 dans son étude "faire sa part" : je suis payé pour développer un simulateur d'empreinte individuelle. Toute information est subjective, l'objectivité s'atteint en croisant les sources.

Mais ces sources sont d'autant plus fiables qu'elles sont ouvertes, comme c'est le cas pour Nos Gestes Climat.

Revenons à mon gaz : il apparaît clairement que l'empreinte du chauffage incontrôlable de ma passoire thermique douillette représente la moitié de mon empreinte climat 😱. Je me suis rendu compte de ce fait il y a 4 ans.

Écoutant Polony ou Giraud, j'aurais pu me dire "ah chiotte, ça relève du collectif" car je suis locataire. Tant pis !

Et d'ailleurs, serait-ce vraiment si intéressant pour l'ADEME de financer ces calculateurs d'empreinte personnelle, si leur part était si minime ?

Mais c'est resté dans un coin de ma tête. J'en ai parlé de nombreuses fois à des amis, des collègues, sur les réseaux, pour me rendre compte que ce problème est très courant et frustrant ! Le chauffage, je ne pouvais rien y faire, pensais-je, mais l'eau chaude, oui. J'ai donc arrêté de tirer de l'eau chaude pour la vaisselle, pour me rendre compte que ça marche tout aussi bien.

Puis je me suis demandé si l'empreinte de mes douches était significative. J'ai fait le calcul, et j'ai lancé dans la foulée futur.eco début 2019, pour publier les réponses que je trouvais aux questions de ce genre qui étaient en fait nombreuses : quid de mon vol d'avion, de mon trajet en bagnole, de l'achat de mon dernier Samsung, de l'entretien d'une pelouse ? Au-delà de ces interrogations pratiques, ce site m'a permi de rencontrer plein de gens intéressants dans le milieu pétillant du combat pour le climat.

Mais revenons à la douche, j'apprenais avec stupeur que son empreinte quand l'eau est chauffée au gaz est tout sauf insignifiante. Pour une douche de 10 minutes par jour sans pommeau économe, la facture est salée : une demi-tonne de CO2e chaque année ! J'ai donc réduit mon temps de douche. Il se trouve que chez moi, ce sont deux robinets à régler à l'anglaise, ce qui n'incite évidemment pas à couper l'eau quand on se savonne car on perd le réglage. Alors j'aurais pu à nouveau écouter la petite voix des ultra-collectivistes et m'arrêter là, mais non, têtu j'ai pris 1 heure pour aller chez Leroy-Merlin : changer le mitigeur pour un thermostatique me coûtait trop cher (150€ achat et pose), mais acheter un simple pommeau avec interrupteur intégré seulement 20 balles (et puis cette nouvelle qualité de jet !).

L'eau chaude déjà bien réduite, j'ai parlé au gardien de la résidence de la température de mon logement. Il a fait remonter l'info. Puis un jour un copropriétaire bien investi est passé chez moi pour un contrôle de l'évacuation incendie, je lui ai parlé de mon appart à 24°, du fait que c'est illégal et des économies que la copro pourrait faire simplement en baissant le chauffage et en demandant à ceux qui se plaignent d'être à moins de 21° d'installer leur propre appoint. Je n'espérais rien...

Deux semaines après, il nous a été demandé de faire des relevés de température, que j'ai fait scrupuleusement. L'hiver d'après, je constatais une baisse d'1° de la température de mon logement.

Alors, gestes individuels ou effort collectif par ricochet 😏 ? La morale de cette histoire (et j'en ai plein d'autres, à commencer par la pression sociale d'un ami qui ne prend plus l'avion) est pour moi limpide : arrêtons non seulement d'opposer effort individuel et effort collectif, mais arrêtons tout court de faire cette séparation si simpliste !

On notera que dans les simulateurs d'empreinte personnelle comme Nos Gestes Climat, ou encore MyCO2 de Carbone 4 qui est sorti après l'étude "Faire sa part", il s'agit non pas de quantifier un effort "modéré" ou "héroïque", mais simplement de quantifier l'empreinte d'un individu, sans juger s'il lui est "facile" ou "presque impossible" de changer le chauffage de son logement, ou même de changer de logment. Cela dit, il y est théoriquement possible de passer de 11 tonnes (la moyenne nationale) à 2 tonnes, soit une baisse de plus de 80%.

La vie à quatre ou trois tonnes d'empreinte personnelle, soit toujours bien trop par rapport aux limites de la planète mais néanmoins déjà super, reste très mal décrite. Cela fera je l'espère prochainement l'objet de récits. Car s'il est avéré que selon la méthode comptabilité de consommation, il est possible de vivre à 3 tonnes, l'évidence est que très peu de gens s'y sont mis aujourd'hui.

L'avihonte, les bourses, l'UE et les super-contaminateurs

Évidemment, vous pourrez me rétorquer que cet engagement n'a produit que des effets limités (la copro n'a pas encore connecté la résidence au réseau de chaleur parisien). Oui, mais 1° de réduction sur une résidence de 200 personnes (si tant qu'il s'est vraiment passé cela), ramené à l'échelle de quelques individus "responsables", c'est costaud !

Du point de vue de la comptabilité de consommation, pour enfin passer à 3 tonnes, il me faudrait clairement quitter cette copropriété. Pendant que je profiterai de mon chauffage électrique méticuleusement piloté par un thermostat réglé à moins de 19°, quelqu'un d'autre se prendrait ce qu'il reste de l'empreinte du chauffage à gaz. Effet positif, neutre ou négatif de mon démégagement ? Aucune idée 🤷‍♂️. Au-delà de la difficulté du chiffrage, il est illusoire de s'attendre à des réductions nationales sans qu'une part significative de la population se lance dans ces efforts.

On pourra aussi émettre l'hypothèse très sérieuse que le premier million de français qui ne reprendront plus jamais l'avion (où en sommes nous aujourd'hui ?) ne feront que baisser les prix pour les autres, et ainsi garder un volume de vol, et des émissions constantes. On pourra pourtant aussi défendre l'idée que ces évangélistes de l'avihonte réduiront de façon faible mais perceptible les économies d'échelle de ce secteur, ou encore qu'ils et elles ébranleront les bourses des compagnies aériennes. Une perspective croustillante, mais inchiffrable. On ne saura qu'en l'essayant 😉.

Poussons encore plus loin ce modèle de séparation de l'individu et du collectif sans porosité, et appliquons-le à l'Union Européenne. Comme vous le savez, ses décisions structurantes se prennent à l'unanimité des États. Ainsi, l'engagement individuel de l'un d'eux (par exemple la France s'engagerait à mettre en place une taxe de douane écolo ambitieuse) aurait selon le modèle de non porosité individu-collectif, un impact strictement nul, car le collectif fonctionne à l'unanimité. Il est vrai que notre pays ne pourrait de toute façon pas tout seul imposer une taxe à ses frontières : on se retrouve dans la situation locataire versus copro. Mais frustrée, un rapport de force s'enclencherait, avec d'âpres négociations, et à la clef peut-être, la mobilisation des autres États. Ce jeu d'influence--cette porosité moi-nous, alors même que l'action individuelle effective est impossible, est absolument inquantifiable. Si le sujet vous intéresse, lisez "Alignement des planètes".

Puis nous pourrions faire une analogie plus crue avec la crise sanitaire que nous vivons. Il est évident qu'on ne peut pas se permettre d'oublier l'existence des effets de contamination qui partent d'un individu et des multiples relais super-contaminateurs et leur impact colossal sur les structures collectives, jusqu'à immobiliser la moitié des terriens. Oui, Elon Musk, Nabilla et nos (tiens donc, "nos") 577 députés sont tous des individus. Et donc il est stupide de vouloir chiffrer la contribution des individus au nombre total de contaminations, car par définition, c'est 100 %. Macron aurait du prendre la décision souveraine de couper les frontières en janvier 2021 ? Simpliste : il dépendait de l'opinion de la démocratie française, du parlement, de l'Union Européenne et son inertie, et de l'inattaquable liberté de prendre l'avion que nous avions tous façonné ou accepté. Tout ceci n'est absolument pas quantifiable en citoyens versus collectivités !

Revenons maintenant à l'étude et sa définition de l'écolo "héroïque".

Imaginez donc que 30% des français adoptent ce mode de vie. Car évidemment, personne n'envisage que l'engagement individuel doit se faire tout seul (ainsi, il faut crier haut et fort les choix qu'on fait, même si c'est pas facile). Imaginez dans une ville 30% des gens qui auraient remplacé 80% de leurs trajets en voiture par vélo.

Vous pensez que "la collectivité" tiendrait combien de temps avant de dérouler des boulevards cyclables dans la ville ? Voies cyclables qui permettront d'allonger les trajets faits en vélo, donc la réduction d'empreinte modélisée initialement. Rétroaction positive. Qui réduiront à moyen terme l'investissement collectif dans l'entretien des routes, et à court terme peut-être les nouveaux projets de routes ?

Avec 30% des français qui achèteraient tous leurs biens numériques d'occasion, vous pensez vraiment que les directeurs de Fnac, Cdiscount et même Samsung resteraient de marbre ? Que la legislation sur la réparabilité des produits n'évoluerait pas d'un beau tour de vis ?

Les déconsommations individuelles précèdent et justifient l'action collective, elles sont en partie cette action collective, qui à la suite les légitime et les diffuse plus largement ♻️. Car bien sûr, à la clef, il y a les lois.

Avez-vous déjà rencontré quelqu'un qui fait un effort individuel conséquent (ne plus prendre l'avion, tout acheter en vrac, remplacer la voiture par le vélo) et qui ne désire pas que des lois et investissements publics soient votés par nos députés pour passer à l'échelle ?

Rouleur de Thomas Danthony

Basculer

En 2021, le but n'est pas de faire une transition douce, nous n'avons terriblement plus le temps.

Il s'agit de s'élancer volontairement, après avoir compris les enjeux, dans une chute libre vers un mode de vie durable.

Vous êtes sur un rocher au bord de la mer, à 10m de haut. L'appréhension vous empêche de sauter, le fond bien visible et menaçant vous inquiète, et puis vous êtes bien là, à dorer au soleil. Pas maintenant. Chaque quart d'heure passé à appréhender, et la marée rend votre saut plus dangereux. Pourtant vous voyez bien que l'un de vos amis l'a fait. Mais il a toujours été fou celui-là. Une autre le rejoint. Ils ont l'air de s'éclater. Après tout...

Pour basculer, il faut rompre un équilibre. Cet équilibre repose sur les milliers de choix que l'on fait tous dans ce quotidien qu'on ne remet pas en question notamment parce qu'on attend le grand soir collectif, cette fameuse évolution spontanée de la norme sociale qui régit nos sociétés depuis des décennies. Je l'ai attendue de longues années, à lire, à débattre, à marcher place de la République, à relire les rééditions de ce que j'avais lu 7 ans avant.

Avoir une voiture, rêver de Bali, bouffer des gros burgers. On aura beau vouloir, appeler à autant d'écologie que possible au parlement, dans la loi climat de 2021 comme celle de 2024, cette base pour l'instant inébranlée--nos vies--qui façonne nos votes et les notes ministérielles, cette base rend ces souhaits et promesses de changement politique "collectif" démagogiques, et les élus le savent très bien.

Je crois qu'il ne suffit que de 3 choses pour que cette base se dérobe :

  1. comprendre la gravité du problème. C'est pourtant simple, sans climat stable on risque de perdre l'eau, la nourriture et les animaux. Mais aussi, plus proche de ce qu'on considère essentiel aujourd'hui en l'absence de ressenti de l'importance de ces besoins vitaux si bien comblés : le millier de milliards d'€ de biens immobiliers dans le sud de la France qui incluent peut-être votre héritage.

  2. comprendre l'ampleur de l'effort à fournir, l'inutilité des petits gestes, quels sont les grands gestes.

  3. ne pas laisser dire que la pression sociale, la contagion des modes de vie n'existe pas 😉

Note : un autre article plus court, de Tristan Nitot, traite du même sujet d'un autre point de vue et était déjà sorti 1 an et demi avant, à lire.

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