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Versez votre acompte écologique

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Je ne soutiens pas la politique du gouvernement. En particulier, la hausse de la taxe sur le pétrole qui a déclenché le mouvement des gilets jaunes a été très maladroite.

Beaucoup ont porté cyniquement l'accusation qu'elle n'était destinée qu'à financer les choix de société néolibéraux du gouvernement, mais ce serait ignorer que l'effet premier d'une telle taxe sur le pétrole, c'est simplement que les gens en consomment moins...

Je suis cependant convaincu que pour être acceptée, elle aurait du être accompagnée d'une grande planification des transports écologiques. Car il était aisé de comprendre la relation qu'on adopté les Français avec leur voiture.

N'en déplaise à M. Lesggy et Autoplus, les cyclistes ne roulent pas au steak carboné, mais les automobilistes eux mangent bien du pétrole. Les révolutions se font sur le prix du pain, sauf dans les pays riches, où c'est l'or noir qui les déclenche.

On va vous prélever quelques euros en plus sur chaque plein d'essence, mais en échange vous aurez de nouvelles lignes de bus électrique, de TER, de TGV, des incitations concrètes au covoiturage, mais aussi des jours de congés en plus pour voyager sobrement ; nous taxerons également le kérosène, et nous limiterons les jets privés.

Voilà le pacte qu'aurait du faire le gouvernement avec son peuple. Pourtant, rien ne nous garantit qu'adossée à un grand plan de transformation du transport en France, cette mouture plus solide n'aurait pas déclenché la même levée de carrosserie.

Disons les choses clairement : je pense que même en faisant l'hypothèse d'un gouvernement stratège et entièrement de bonne foi, mettant plus en avant la défense des derniers glaciers alpins que des grandes fortunes, l'exécutif n'agirait pas fortement sur le sujet de l'écologie car il n'a aucune confiance dans la propension des français à accepter les lois qui en découleraient.

Mettons-nous d'accord sur une définition minimale de l'action écologique : il s'agit, a minima, de respecter l'accord de Paris pour le climat. Donc de baisser, chaque année, nos émissions de gaz à effet de serre d'au moins 5%. C'est une définition nécessaire mais non suffisante bien sûr, ignorant l'aspect biodiversité par exemple.

Qu'est-ce qui nous permet d'émettre cette hypothèse ? En limitant notre champ d'analyse aux sujets pétrole-bagnole, on peut lister au moins 4 renoncements du gouvernement :

  • la hausse de la taxe pétrole (TICPE) qui a fait naître les gilets jaunes
  • la régularisation de la taxation du pétrole du BTP
  • le contrôle technique des deux roues moteur
  • la limitation à 110km/h sur autoroute

Chacune de ces lois a été avortée ou retirée par crainte d'une révolte des concernés, alors même que leur quatuor n'aurait permis au mieux que d'atteindre une seule année de baisse de 5% des émissions. Même pas une seule année. En d'autres mots, même une planification écologique permettant d'atteindre une fraction de nos engagements a été radicalement refusée.

Pourtant, nous ne devons pas croire que la tendance conservatrice et climaticide actuelle de ces corps électoraux qui terrorisent les élus, est inévitable.

La seule raison pour laquelle ils continuent d'être autorisés sur les routes, c'est qu'ils sont très nombreux. Les gouvernements ont cette crainte qu'ils perdraient le vote des cyclistes. Ils forment un groupe redoutable, dont tous les partis politiques ont peur, relate l'auteur de "Bike boom" page 49.

Comme en atteste cette citation étonnante, il y a seulement 70 ans, après-guerre, ce sont les cyclistes qui étaient ainsi influents, avant de finalement perdre la bataille, sous la pression d'une minorité d'automobilistes ayant réussi à hacker le système politique.

Le gouvernement attend un acompte pour ne pas prendre un risque qu'il considère légitimement, sur la base de ses expériences passées (maladroites, c'est un piètre commerçant), comme injustifiable.


Le propos ici n'est pas de dire que le frein serait davantage du côté des citoyens que des collectivités, des députés, du gouvernement, de l'Union Européenne.

La marche arrière de 80 à 90km/h d'un tiers des départements français montre bien la complexité des oppositions qu'on ne peut traiter sous l'angle simpliste l'État vs la démocratie locale.

Les entreprises ne sont pas en reste, loin de là, quand on constate ou devine leur rôle dans la ridicule taxe sur le poids des véhicules qui commencera donc à 1800kg (oui, à presque 2 tonnes !) ou encore la non répression du greenwashing dans les publicités. Sans compter la loi qui était sensée interdire les vols d'avion courts, mais pas les correspondances Rennes-Paris (Rennes est l'un des 9 aéroports de ligne de Bretagne) concurrencées par une LGV à 320 km/h.

Le conservatisme imprègne notre société à tous ses niveaux, de l'individu, en passant par tous les échelons de la vie collective, jusqu'au stade ultime qui dépasse notre entendement et qu'on appelle donc "le système". Non, il est dangereusement simpliste de séparer et même d'opposer les échelons fluides de notre démocratie en des catégories discrètes, ou pire, binaires !

Je soutenais dans le texte "Éloge de la décroissance individuelle" que l'initiative rebelle des cellules de notre société (nous, les individus) est aujourd'hui cruciale pour rompre cette paralysie généralisée. Comme dit Orelsan dans l'album "Civilisation" qui fait une part belle aux réflexions sur l'écologie, "faut qu'on brise ce putain de cercle, il est vicieux ce putain de cercle, je peux pas le faire tout seul faut que tu m'aides".

Il met le doigt sur une des raisons souvent non avouées mais massives à l'absence de changement de mode de vie : je ne le ferai que si je sens que les autres sont prêts à le faire. Coopération - trahison. Tant qu'il sera possible sans sanction (légales, morales, et dans une moindre mesure financière) de faire un aller-retour à Dubai pour faire sa story dans un centre commercial climatisé, beaucoup de français refuseront de verser leur acompte.

Ce que je soutiens dans cet article, c'est que nous n'avons pas le choix : justement pour attaquer ces comportements nocifs, qui servent d'épouvantail au changement, il faut que nous soyons de nombreux précurseurs à verser notre acompte. Briser ce putain de cercle si puissant qu'il est même croissant.

Orelsan, c'est aussi l'un des deux jouteurs du clash lyrique "À qui la faute" de Kerry James. Ce débat qui n'admet aucune solution manichéenne pour le sujet de la responsabilité de l'État dans le mal qui ronge nos cités, n'en a évidemment pas plus pour le défi du siècle, le réchauffement climatique.

Redescendons sur terre : voici un exemple d'énigme pratique de responsabilité, c'est l'histoire d'un hôpital schizophrène, à Brest. L'établissement mobilise des centaines de professionnels sur fonds publics notamment pour soigner la sédentarité, ce mal moderne, le pendant du progrès technologique. Pour accueillir les malades, il construit toujours plus de parkings voiture, qui favorisent cette sédentarité, parce que les patients ne veulent (dit-on, et d'ailleurs le personnel soignant aussi) se déplacer qu'en voiture. Qui est responsable du problème ? Impossible de trancher. Nous sommes en situation d'équilibre stable. Comment on s'en sort ?

Rejeter le rôle de l'individu dans le réchauffement climatique et ses solutions, c'est simplement adapter la thèse de Pierre Bourdieu au défi du siècle, mais en la caricaturant à l'extrême. L'individu n'aurait aucune influence sur le système. La mode n'existerait pas. La pression sociale serait une invention. Les influenceurs n'influenceraient pas. La démocratie française en 2023 serait une arnaque totale, sans nuance, entièrement vérouillée.

S'est opposé à cette thèse de Bourdieu, le philosophe et sociologue Raymond Boudon, qui en tant qu'« individualiste » s'oppose aux « structuralistes », via la notion d'individualisme méthodologique.

Ces bases théoriques ainsi placées, ce que je défends ici, c'est que la minorité riche et influente qui se considère engagée pour l'environnement, doit accepter de faire un écart stratégique Boudonnien pour espérer atteindre un changement structuraliste Bourdieusien. Car les espoirs de transformer radicalement le système par la magie d'un engagement politique sans réalité concrète (donc sans changements de mode de vie) sont voués à l'échec.

Il est évident que parler d'individualisme méthodologique à l'employé au SMIC qui prend la voiture pour travailler à 60km de son domicile, donnera probablement moins de résultats pratiques que d'en parler au cadre en télétravail qui a la même empreinte carbone que la bagnolard via ses vols d'avion, une opposition mise en scène dans cette merveilleuse vidéo de Groland.

Pourtant, la réalité est tenace : si Bertrand Ambart est enfermé dans un carcan économique difficile, Jérôme Ludion ne subit pas pour autant des freins au changement moins puissants. Ils ne sont pas économiques, ils sont sociaux. Comme tout humain, il est sous influence de son cercle : de ses amis, son foyer, sa famille, ses collègues, la réputation sociale qu'il s'est constituée, l'argent qu'il ne sait pas dépenser autrement, les médias qu'il lit, les pubs Air France qu'il y visionnera, d'ailleurs brainstormées par son amie de promo qui bosse dans la comm'.

Arrêtons de négliger la notion si fondamentale de mimétisme. Il faut être de mauvaise foi pour prétendre qu'un cycliste vu par 100 personnes sur 1 seul trajet, un retraité qui s'achète un vélo électrique, un végan qui sort son tupperware à la cantine, un propriétaire qui parle isolation à la copropriété, ne font qu'un "geste individuel".

Si la perspective internationale d'inégalité climatique nous montre que Bertrand l'employé au SMIC est lui-même, sans hésitation possible, un privilégié en dette par rapport aux autres citoyens de cette planète qui subiront les conséquences de son mode de vie bien plus violemment, il n'en reste pas moins que Jérôme doit être soumis à une obligation morale plus forte, car il a bien davantage les moyens et la connaissance de se mettre en mouvement.

Il faut faire émerger puis grossir ce petit carré, bien caché sous le poids du triangle conservateur et structurant. Ce petit carré, ça peut être toi Jérôme.


Évidemment, ce serait confortable pour tout le monde si nous pouvions nous reposer sur le pari que la patronne de Peugeot (au hasard, l'une des "plus grosses pollueuses européennes" comme aiment à dire les associations "écolo" qui dédouanent au passage les Français de leur responsabilité de riches terriens) puisse un beau matin se lever du bon pied et décréter que sa belle entreprise et ses 200 000 salariés arrêteront la production de véhicules de plus d'1 tonne, brideront leur vitesse maximum à 100km/h, acteront la fin des moteurs thermiques, lanceront une gamme de vélos personnels (comme au bon vieux temps) et utilitaires, puis finalement changeront le logo de la marque :

Quelle naïveté ! Oui, la PDG de Peugeot a une force de frappe immense de millions d'unités écologiques (une unité fantaisiste qui représenterait le potentiel de changement vert d'un individu lambda), mais son indice d'inertie écologique est lui-même colossal : elle doit trop de choses à trop de monde, et elle sait pertinemment que le virage écologique radical, c'est le suicide économique de la personne morale qu'elle représente.

Non : le patron de Stellantis, l'entreprise qui possède Peugeot (c'est qui le méchant ultime du coup, lui ou elle ?) est tellement écrasé sous cette pression qu'il s'inquiète même d'une transition trop rapide vers l'électrique et que le moindre excès d'écologie, du point de vue des actionnaires un inacceptable faux pas, lui vaudrait assurément un remerciement express, et probablement de longues poursuites judiciaires.

Le citoyen, lui, a-t-il un rapport impact/pression plus favorable ? Dans la configuration actuelle de notre pays et de l'Union Européenne, je le crois. Je ne dirai pas la même chose concernant la dictature russe. Je pense que le contrat démocratique sur le sujet de l'écologie n'est pas encore signé car les citoyens n'ont pas encore versé un acompte suffisant.

Concrètement, le mode de vie écologique minimum consistant en une décroissance individuelle de l'empreinte climat de consommation d'un facteur 10, n'est pas encore assez mis en lumière dans la société française pour qu'il soit remarqué comme une trajectoire possible par les élus, les chefs d'entreprise et le mille-feuille décisionnaire qui fait qu'un SUV thermique puisse encore être vendu en 2023, alors que pour respecter nos engagements, c'est bien sûr la voiture thermique, sous toutes ses formes, qui devrait immédiatement être interdite à la vente neuve.

La preuve d'engagement du citoyen est l'ingrédient stratégique manquant aujourd'hui. En aucun cas le seul, j'insiste, simplement celui qui manque le plus cruellement : ne tombons pas dans un épouvantail rhétorique, soyons précis. C'est un déclencheur, c'est l'étincelle qui embrasera.

Elle n'atteindra pas spontanément la majorité des gens, mais celle-ci sera tentée de suivre l'évolution de la mode et de la morale portée par une minorité influente. Et surtout, ce consensus minoritaire rendra possible, non sans d'âpres débats publics, les nouvelles lois qui seules peuvent généraliser un mode de vie écologique.

Je suis évidemment incapable de prouver cette urgence de l'engagement d'une minorité, car ces choses là ne se prouvent pas comme des théorèmes mathématiques : les prétentions de chiffrage des responsabilités qui vous sortiront des "en étant un héros vous pouvez faire 25% du chemin seulement" ont leur place sur un post inspirationnel LinkedIn, ou dans les colonnes des vérificateurs d'info, pas dans un débat public sérieux.

Personne n'est en mesure de trancher sur la responsabilité d'une personne en donnant des poids aux paramètres incroyablement divers que sont le revenu, le patrimoine, le grade dans l'entreprise, la fonction dans l'État, l'importance d'un mandat, le nombre d'abonnés sur Instagram, la réputation dans la cour de récré.

Personne n'est en mesure de calculer la responsabilité en étant contemporain d'un délire collectif. C'est le rôle terrible de l'appareil judiciaire dans le cadre de procès a posteriori organisés pour juger tant bien que mal les pires heures sombres de l'histoire.

Il est impossible de chiffrer la pression qui s'exerce tout autant sur les patrons que sur les citoyens, chacun à son échelle, et qui conduit à perpétuer notre mode de vie climaticide. Il est par contre possible de mesurer l'empreinte carbone des individus et des organisations.

Mesurer, ce n'est pas attribuer 100% de la responsabilité d'un chiffre à quelqu'un, pas du tout. Si vous me dites que vous êtes payé au SMIC, ça ne veut en aucun cas dire que vous êtes responsable de ce salaire, plus que votre patron, le MEDEF, la société ou la mondialisation. À votre avis, comment irait la justice sociale sans l'INSEE ?


Alors, puisqu'on est incapables d'attribuer une responsabilité nette aux malheurs qui nous affectent et nous détruiront, puisqu'on n'est pas davantage capables, au-delà des intuitions, de garantir la réussite d'une stratégie qui dicterait qui doit faire le premier pas, comment on fait ?

Eh bien comme ce mécanisme fondamental vieux lui aussi comme la nuit des temps : on verse un acompte à cette personne morale à laquelle on demande un service. On montre à l'État qu'on est prêts, tout comme les motards montrent aux élus qu'ils sont des motards en y consacrant une part important de leur mode de vie, formant ainsi ce corps électoral puissant, bien qu'ultra-minoritaire.

Oui, c'est aussi simple que ça : tout simplement montrer que les écologistes de France existent, pas seulement via une marche à Paris tous les 3 ans, mais en pratiquant le mode de vie que l'on défend au quotidien, de façon visible et bruyante.

Certaines relations commerciales se déclenchent sur un acompte de 100% : le client paie, puis profite plus tard du service. Dans d'autres cas, le client profite du service et paie une fois le service entièrement rendu. Les trente dernières années de sensibilisation à l'eau de rose et de faux engagement ont montré l'échec de ces postures.

Je crois qu'il est d'usage dans ces cas là, de considérer un acompte de 30%. Pourquoi 30 ? Je ne sais pas. C'est souvent le compromis qui permet de se faire suffisamment confiance pour faire des plans sur le futur. Pourquoi pas ? Ça pourrait être 40 ou 60%, mais 30% semble un minimum. J'ai personnellement choisi de verser un acompte plus proche de 80% que de 30%. Parce que j'estime qu'il est stratégique, mais surtout parce que je désire n'avoir rien ou presque à me reprocher dans le futur.

Le futur, il est déjà arrivé. Les canicules meurtrières, elles sont déjà là. Les sécheresses qui accablent la France, également. Les inondations qui détruisent les villes des pays qui ont pollué 10x moins que nous, également. Et bien au-delà du climat, n'oublions pas que les solutions sont aussi celles qui permettent à votre mode de vie de ne pas financer l'armée Russe dans sa folie impérialiste, tout comme les dictatures religieuses du Moyen-Orient, ou encore la folie consumériste et dans une moindre mesure guerrière des États-Unis.

Oui, si vous consommez toujours des quantités significatives de gaz et de pétrole en 2023, sans vous être battus pour les réduire, vous êtes coupable. C'est un fait, ce n'est pas une opinion, n'en déplaise aux "écolos". Ne faites pas comme les Étatsuniens, n'ignorez pas la réalité parce que les chiffres de votre responsabilité vous donnent le tournis et par un réflexe protecteur individualiste, vous incitent au déni.

Mais revenons à l'acompte de 30%, plus réaliste pour une cible massive. Selon la mesure de l'empreinte climat de consommation, ce n'est qu'une partie mineure du chemin mais c'est pourtant un effort significatif, quand on le décline concrètement.

30%, c'est 3 tonnes sur 10. C'est la fin de la voiture thermique, de l'aviation ainsi que de l'énergie thermique dans les logements. Rien que ça. Étalé de façon plus réaliste dans cet ensemble coloré de pollutions diverses, ce -30% veut quand même dire une réduction de 30% du chiffre d'affaire des aéroports français, une hausse de 200% des achats de pompe à chaleur, une part modale du vélo qui passe de 3% à 30%, et encore la fin des 95% d'achats neufs de véhicules thermiques.

Si cela vous semble terriblement radical, alors que ces efforts ne représentent que 30% de notre objectif de décarbonation, c'est que comme nous tous, vous avez été trompé. On vous a dit que trier ses poubelles, ses mails et arrêter Netflix c'était la première marche qui allait engager les citoyens et la société sur l'escalier de la lutte pour le climat. C'est faux, mais ça vous arrangeait bien.

Cette politique de l'escalier, n'est qu'une version institutionnalisée des excuses de l'inaction, consistant à communiquer sur les mesures les plus faciles à mettre en œuvre, peu importe leur impact, permettant à leur promoteurs de ne prendre aucun risque politique et de maintenir au passage leur propre mode de vie carboné.

Si l'objectif de 30% d'acompte, vous le jugez personnellement inatteignable, c'est parce que vos prédecesseurs jugeaient le 20% inatteignable hier, et ainsi de suite. Ce sera bien pire demain.

Attendre que l'État, dans un revirement providentiel, fournisse 100% de l'effort plutôt que de pondre des lois minables aux effets totalement dilués, alors même que ses citoyens se révoltent pour une loi qui n'allait même pas effleurer le problème d'un maigre pourcent, c'est vivre dans le monde des bisounours en bioplastique.


La transformation des citoyens normaux de la convention citoyenne en activistes climatiques prêts à rogner sur leur confort de riches pollueurs et à revenir sur leurs dogmes anti-technologiques, du nucléaire aux voitures électriques, ne peut que donner de l'espoir.

Mais une poignée de citoyens non élus ne faisaient pas le poids par rapport à Airbus, Renault, les lobbyistes russes et les élus alignés sur la même cause du gaz fossile, curieusement bien répartis dans l'hémicycle, les journalistes de droite prêtes à calomnier pour défendre leur mode de vie, et surtout tous ces citoyens écrasés par ces informations contradictoires et la magnifique excuse du "c'est pas à nous de faire le premier pas".

Quand les arguments de la gauche et des conducteurs de SUV se rejoignent autour du consensus sur le dédouanement individualiste, ça sent le gaz

La contestation citoyenne massive, non plus contre la hausse du prix de la première énergie fossile, mais contre les nouveaux kilomètres d'autoroute, ne peut que donner de l'espoir à son tour. C'est assurément une forme d'acompte écologique également.

Suffisant pour que le gouvernement et tous les acteurs qui forment ses décisions revoient leur copie ? Dans notre analogie, ces manifestations ne sont pas un acompte financier, mais un acompte de confiance, de réputation. Parfois, ça passe. Souvent, non. Au printemps 2023, des millions de manifestants contre un projet politique impopulaire à 70% n'ont pas suffi pour changer la donne. Mais ça aide assurément à créer un rapport de force.

Pensez-vous vraiment que des milliers de manifestants dans la rue pour le climat, et 10 000 likes sur un tweet de Bon Pote auront un quelconque poids face à des millions de billets d'avion low-cost réservés chaque année ? La lutte ne peut se cantonner à un activisme symbolique sur fond de consommation inchangée. Et cela, alors même que l'activisme est nécessaire, et surtout l'activisme radical, qui n'existe pas vraiment encore. Mais dans l'équation politique du climat, le concret c'est la consommation de produits carbonés, celle qui fait notre PIB.

C'est celle qui est mesurée par l'INSEE, rapportée par l'AFP, qui fait le catalogue de BMW, les priorités de l'assemblée. L'ultime excuse pour l'inaction de vos cercles d'influence, de leurs cercles d'influence, et ainsi de suite.


Si vous en êtes arrivés là, vous avez l'essentiel de l'idée défendue par cet article. C'est un article de long cours, qui s'enrichira au fil du temps. La suite s'attachera à des considérations plus morales notamment au moyen d'une introspection personnelle, qui j'en suis sûr, étant donné que vous en êtes arrivés là, vous parlera également. À bientôt !

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